Chapitre 6
La structuration des Mémoires
Un ouvrage à multiples facettes
Dans la première partie de l’ouvrage, Goux met en scène les problèmes d’organisation qui se sont posés à lui : désireux de favoriser une pluralité de discours et de types d’écriture, il allait néanmoins progressivement élaborer une structuration souple et inventive, parfaitement élaborée et réfléchie.

Des ambitions contradictoires ?

Jean-Paul Goux dans les Forges d'Audincourt à l'abandon © Fonds Goux, GOU 05 07 0003
Un des enjeux de la commande était d’accueillir une grande diversité de discours. Dans ses notes préparatoires, Goux précise qu’il convient de « mêler les types d’écriture », sans craindre une « hétérogénéité » due à la « contiguïté de codes littéraires historiquement distincts. » Mais, parallèlement, il s’interroge : « Comment éviter le collage qui évite d’inventer une forme ? »
Dans la première partie des Mémoires de l’Enclave, le narrateur développe, en abyme, une interrogation sur la forme à donner à son ouvrage. Il évoque, à la fin, la possibilité de « deux livres » distincts, « l’un plutôt journalistique » – c’est- à-dire sous la forme d’un journal, au jour le jour –, « l’autre, vraiment littéraire » (Mémoires, p. 94).
Varier et sérier
Sur l’exemple des Mémoires d’outre-tombe de Chateaubriand et de Jacques le fataliste de Diderot, Goux cherche des principes généraux de composition.
Notes préparatoires © Fonds Goux, GOU 03 B 0010
Certains documents témoignent de la subtilité des principes d’équilibre que Goux s’est fixés :
Notes préparatoires © Fonds Goux, GOU 03 B 0010
L’organisation générale de l’ouvrage
Un document montre trois étapes successives dans l’élaboration du plan :

Notes préparatoires © Fonds Goux, GOU 03 E 0008
L’étape A, en haut à gauche, renvoie à un premier état rédigé du texte, sur 78 pages, en continu. Cet état A se retrouve dans le manuscrit de l’ouvrage conservé dans les archives, avec sa numérotation particulière, mais il a été totalement redistribué. Il comportait alors une organisation systématique par dates, comme un journal intime, ce qui sera gommé lorsque le principe d’organisation définitif sera trouvé.
L’étape B en dessous montre une restructuration en 31 chapitres, proche du travail final. Elle redistribue, selon un ordre revu, les sections précédentes qui alternent avec les entretiens, jusque-là absents.
L’étape C, au milieu vers la droite, se situe dans le prolongement de cette réorganisation pour parvenir au plan définitif : les pages 38 à 47 de la première étape – devenues le premier chapitre dans l’étape B – intègrent le « Journal » dans une première partie désormais isolée. La seconde partie récupère l’essentiel de l’organisation de l’étape B, avec les titres pratiquement définitifs des chapitres.
L’encart, en haut à droite, montre une idée finalement abandonnée : utiliser trois polices différentes pour distinguer « texte », « citations de textes », « entretiens ».
Tout en maintenant un ouvrage accueillant une grande liberté de discours (journal intime, entretiens, témoignages, textes de réflexion historique, sociologique, géographique, tracts syndicaux, extraits de presse, etc.), Goux est ainsi parvenu à tresser une structure souple et habile, guidant et stimulant le travail du lecteur. De là cette citation de Melville en exergue de l’ouvrage : « Il y a certaines entreprises pour lesquelles un désordre soigneux est la vraie méthode » (Mémoires, p. 7).
Écrit par Pascal Lécroart
Droits photographiques : Fonds Archives Goux
Suggestions

CHAPITRE 5
Une œuvre littéraire

CHAPITRE 7
La fabrique du texte
