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• Le Scriptorium Numérique •

Archives manuscrites du Musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon

Le Musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon a fait appel à nos compétences et aux équipements de la MSHE de Besançon pour une campagne de numérisation d'’une série de journaux écrits pendant l’'occupation, notamment ceux d’'une jeune fille, Jeanne Oudot, qui habitait un village du Doubs : Mancenans. Politique de préservation pour le Musée, mais pour nous découverte d'’un document exceptionnel que nous souhaitons analyser sous un angle double : qu’'est-ce qu'’écrire sous l’'occupation ? Et surtout « comment la parole se construit de ses rapports heurtés avec les discours dominants ». Car ces 10 cahiers d’'écolier, remplis du 1er septembre 1939 (elle a alors 16 ans) jusqu'’en juillet 1945, ne sont pas seulement constitués d’'une écriture « intime », relatant « les pensées » d’'une jeune fille de la campagne, comme peut-être on peut l'’attendre. Jeanne est la fille du maire. À ce titre, elle participe de très près aux correspondances officielles, à l'’écriture des laissez-passer, à la réception des télégrammes injonctifs issus de la Préfecture, plus tard de la Kommandantur ; elle réceptionne les officiers français qui cantonnent à Mancenans, puis les occupants allemands, puis à nouveau les forces de libération. Elle reçoit une correspondance des camps de travail ; elle lit la presse et chaque jour, elle insère dans son cahier les traces de cette activité : elle découpe les articles de journaux, les photos des généraux, des images de drapeaux, parfois des tickets de rationnement, qu’'elle place là clairement comme une archive chargée de témoigner ; parfois encore c'’est une carte postale qui met en vedette un aviateur célèbre, etc. Les slogans fleurissent dans la presse d'’époque, et elle les découpe et les colle également dans les pages du cahier. Sa parole se constitue des commentaires qu’'elle place en vis-à-vis. Elle insère également entre les pages la correspondance que la famille reçoit, et chaque cahier est ainsi sa mise en scène des discours qui accompagnent et essaient de justifier ou de mettre en cause la guerre elle-même et son réel. Sa parole se constitue de cette confrontation, à partir de laquelle émerge tantôt de sa part des formes d'’acquiescement, tantôt au contraire une révolte contre le mensonges qu’'elle perçoit finalement avec acuité.

Ces cahiers sont donc un lieu extrêmement riche d’'entrechocs entre discours constitués, et parole vivante qui fraie son chemin. C'’est cette humanité qui nous intéresse ici.


Contact : Philippe Schepens




Extraits du 1er cahier :

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