Repères biographiquesGilles Laubert (à droite), jeune acteur au côté de Magalie Noël dans Mère Courage mis en scène par François Rochaix Gilles Laubert est né en 1950. Sa famille est originaire des Fins, un petit village du Haut-Doubs près de Morteau. Cousin de l’acteur Hervé Pierre, aujourd’hui sociétaire de la Comédie-Française, Gilles Laubert, après avoir obtenu un CAP de reliure et travaillé dans un bar à Besançon, s’est passionné pour le théâtre. Il a commencé sa formation à Besançon, au contact de Jacques Vingler et du Centre d’études et de recherches théâtrales, puis à l’École Supérieure d’Art Dramatique de Genève et à l’Odin Teatret au Danemark. Il a d’abord été connu comme acteur, travaillant à partir de 1975 au sein du Théâtre de Carouge de Genève sous la direction de François Rochaix, Michel Soutter, Manfred Karge et Matthias Langhoff. Il joue dans Mère Courage de Brecht, Ubu Roy de Jarry, ou La Bataille de Heiner Müller, et assure parfois des mises en scène dont celle de Grand peur et misère du IIIe Reich de Brecht (1976-77) et de Médée d’Euripide (1979) avec les comédiens itinérants du Théâtre populaire de l’Ain-Compagnie de la Michaille. Dans les années quatre-vingt, sa carrière se poursuit mais sans connaître l’accomplissement attendu : il est rongé par un mal intérieur qui le fait sombrer dans l’alcoolisme. Lors d’une cure de désintoxication, il trouve le remède en creusant et explicitant la cause première de son mal être fondamental : à six ans, il a été violé par son instituteur, épisode naturellement traumatique et destructeur qui lui a fait développer un complexe de culpabilité terrible et a totalement brouillé à l’époque son rapport au langage. Il écrit alors un récit autobiographique, Prends, lis…, où, outre ce viol, il raconte crûment toutes ses souffrances et ses révoltes, contre l’Église, la famille et la société, dans un texte d’une très grande densité : au moyen de phrases courtes, souvent en partie désarticulées, il fait violence à la langue mais dépasse toute complaisance narcissique et masochiste en faisant de ses malheurs le miroir des malheurs du monde. Ce trait restera une caractéristique importante de son œuvre. Ce récit inspire une pièce, L’Abus, d’abord conçu comme jonglerie à plusieurs voix dans un état initial, puis réécrit comme monologue théâtral qu’il donnera seul en scène 77 fois dans une mise en scène de Martine Paschoud : elle l’accompagnera tout au long de cette seconde carrière. En 1998, il devient le coordinateur artistique d’une compagnie de théâtre : la Compagnie des Cris. Il assure régulièrement des mises en scène de ses textes, mais aussi de textes d’autres auteurs, montant notamment en 2000 Trafics amoureux de l’auteur américain Edwin Sanchez et en 2001 La Terre, leur demeure de Daniel Keene, auteurs avec lesquels il partage certaines affinités, mais aussi Pour un oui ou pour un nom de Nathalie Sarraute en 2006, une adaptation de Vingt-quatre heures de la vie d’une femme de Stefan Zweig ou L’Atelier de Valère Novarina. Il travaille également avec la Compagnie-Théâtre Rhône-Alpes, développe des liens privilégiés avec le Sénégal, montant des spectacles au Théâtre Soriano de Dakar ou assurant des stages de formation au Centre Action et de Formation de l'Acteur et de Recherche théâtrale – CAFART– de Thiès. Il manifeste ce lien privilégié à l’Afrique, lieu d’une renaissance, en signant dorénavant ses œuvres d’un second prénom : Souleymane. Parallèlement, en Suisse, il a enseigné à la Section professionnelle d'art dramatique du Conservatoire de Lausanne et a dirigé, en France, la classe d’art dramatique du Conservatoire d’Annecy. Son œuvre se développe de manière régulière. La violence et la crudité des premières œuvres s’estompent en partie, mais il n’en a jamais fini de faire rendre ses comptes au monde et l’absence d’un véritable grand succès public pour les pièces composées après L’Abus lui pèse. En avril 2012, alors qu’il revient affaibli du Sénégal où il a subi une opération due à une sténose au niveau du duodénum, il a de nombreux projets : rejouer Georges ou tout ce qui file entre les doigts au Festival d’Avignon, s’occuper de la création de sa dernière pièce Les Contemporains, voir la création d’Aminata, qui a obtenu le prix d'écriture dramatique 2011 de la Société Suisse des Auteurs et que Jacob Berger doit mettre en scène. Mais on lui diagnostique un cancer généralisé qui le foudroie. Il meurt à Annemasse le 8 mai 2012. Aminata sera donné au Poche de Genève du 6 au 23 mai 2013 et édité aux Solitaires intempestifs. Gilles Laubert dans Georges ou tout ce qui file entre les doigts |