En 1981, Jacques Garnier, ancien danseur de l’Opéra et créateur du Théâtre du Silence avec Brigitte Lefèvre, revenait à l’Opéra pour y fonder le Groupe de recherche chorégraphique (GRCOP), composé d’une douzaine de danseurs du ballet, plus particulièrement sensibilisés à la danse contemporaine. Dominique Bagouet sera l’un des premiers chorégraphes invités, et Les Voyageurs, l’une des premières pièces inscrites au répertoire du groupe. Courte pièce à redécouvrir, elle présente déjà la plupart des qualités qui seront plus tard reconnues au chorégraphe. Netteté de la composition, clarté des lignes, habile tricotage de la danse et de la musique, c’est sur la rigueur baroque de Marin Marais que se construit ce retour aux sources de la danse d’opéra. Du long silence qui accompagne la première séquence, jusqu’à la pirouette finale, marquée par l’apparition de costumes grand siècle, jabots et robes à panier, qui se substituent aux impeccables tee-shirts et pantalons blancs portés jusque là par les danseurs, il y a dans cette pièce comme une métaphore à la Stanley Kubrick dans 2001 : l’Odyssée de l’espace. Comme Kubrick, Bagouet précipite ses personnages dans une sorte de cul-de-sac de l’espace-temps et laisse aussi, fort élégamment, planer le doute sur le statut de ce court-circuit temporel. Comme Kubrick aussi, il clôt la pièce sur une fin énigmatique, de celles qu’il saura si bien imposer tout au long de son œuvre : impasse, cycle ou simple reflet du réel, cette danse elle-même renvoyée à l’infini par le grand miroir qui fait office de fond de scène. Belle métaphore, en tout cas, du ballet et de ses origines.
Note : La captation minimale enregistrée par l’Opéra de Paris semble l’exclure de tout usage autre que professionnel ou de recherche.
Chantal Aubry, in Catalogue images de la culture n° 19, CNC, janvier 2005.

Noir et blanc